Mars-avril 1946 : une constitution se prépare alors qu'une gauche majoritaire où domine le P.C.F. a triomphé apparemment d'une droite honteuse et déconfite. Mais le nouveau ne triomphe pas si aisément de l'ancien. Le nouveau n'ose et ne peut s'avouer tel : "Le socialisme n'est pas à l'ordre du jour " et le serait-il, que ferait-on de cet ordre du jour : citer les soviets et/ou la grande Révolution française ? L'ancien résiste admirablement sous les habits neufs du M.R.P., appuyé sur un siècle et demi d'un humanisme juridique que la gauche ne veut ni ne peut défaire. Sous la dispute juridique et malgré les lieux communs philosophiques qu'échangent des alliés tripartites devenus adversaires, se joue en effet non la seule restauration de la République contre l’État pétainiste, mais bien le sort d'une "forme" d’État : l’État représentatif-constitutionnel bourgeois. La République projetée n'est déjà plus celle des droits de l'homme de 1789, de la souveraineté nationale et de l'abstraction représentative ; la République à venir n'est-elle pas cette République où les partis enregistrent et régulent le rapport conflictuel des classes ? Son assiette philosophique n'est-elle pas celle d'un humanisme associatif plutôt que possessif ? La France de 1946 réaliserait-elle les conditions pensées par Marx (congrès de Gotha) puis Engels (congrès d'Erfurt) d'une "République démocratique" ouvrant la voie à la dictature du prolétariat, voire donnant sa forme à cette dictature ? Occasion donc de reprendre le questionnement sur les formes de la transition de la société bourgeoise à la société communiste. Occasion, enfin, de mettre à l'épreuve de l'objet étudié certains concepts et tracés théoriques marxistes : satisfaction alors de la vérification et plaisir, aussi, d'être chassé de l’Éden des réponses. [4e de couverture]