Procès : cahiers d'analyse politique et juridique. 10
Numéro de volume
Titre du dossier thématique
Auteur
Editeur
Date de publication
Description
Pour la première fois de sa jeune existence, Procès consacre un numéro entier à des études venues de l'étranger. Ce n'est pas par l'effet d'un choix purement «scientifique» qu'il s'agit de contributions de juristes et théoriciens du droit d'Amérique Latine. Citoyens d'un sous-continent dont on sait les grandeurs, les misères, les répressions, mais aussi la tradition intellectuelle, les auteurs de ces articles et nombre de leurs compagnons ont tôt manifesté un grand intérêt pour les publicationsissues de notre courant «Critique du droit». Généralement débiteurs des mêmes sources théoriques que nous, et très curieux du mouvement des idées en Europeils ont porté aux travaux des juristes et politologues critiques français un intérêt sans commune mesure avec celui que nous avons pu manifester à l'égard de leur propre production. Trois ans après qu'aient été noués les premiers contacts, il était temps que nous entreprenions de faire connaître les préoccupations et certains fruits des recherches de nos amis d'Amérique Latine.
Procès publie ici huit articles qui, à une exception près, ont été spécialement écrits pour la revue, même s'ils reprennent parfois l'essentiel d'ouvrages récemment publiés. Nous aurions pu solliciter des contributions d'un plus grand nombre d'auteurs. Mais ceux qui nous livrent ici certaines de leurs analyses ou réflexions sont assurément représentatifs de divers types d'approche «critique» du politico-juridique pratiqués à ce jour dans des pays où ce genre de curiosité est parfois plus compromettant (quoi qu'on en pense) que dans nos vieilles démocraties bourgeoises.
L'origine nationale des auteurs et les lieux dont ils nous·envoient ces contributions sont également révélateurs de la répartition des forces intellectuelles en Amérique Latine et des conséquences de l'évolution politique de ces dernières années. Buenos-Aires et Mexico ont longtemps constitué les deux pôles intellectuels de la région. Mais, bien entendu, aucun texte ne nous vient directement des rives du Rio de la Plata. On estime d'ailleurs que l'intelligentsia progressiste latino-américaine est aujourd'hui établie pour 80 % au Mexique et 15 % au Brésil. De fait, quatre de nos auteurs sont argentins, mais tous ont dû ou ont préféré quitter leur pays après l'instauration de la dictature militaire. Deux d'entre eux se trouvent aujourd'hui au Brésil (Luis Warat et Carlos Plastino), dans un contexte que l'apertura a rendu un peu plus favorable depuis quelques années. Les deux autres (Graciela Bensusan et Oscar Correas) sont établis au Mexique, qui continue à offrir les conditions les plus propices à la liberté intellectuelle.
Néanmoins, le poids des juristes argentins, bénéficiaires d'une grande tradition théorique, ne fait heureusement pas obstacle à l'expression de jeunes enseignants-chercheurs mexicains et brésiliens. Les articles de Jorge Ibarra, José Ribas Vieira et José Afonso Do Nascimento en témoignent. La présence d'un texte de Jorge Rendon Vasquez atteste, quant à elle, l'existence d'un travail de type critique sur le droit, dans un pays andin - le Pérou - où le pouvoir de la bourgeoisie a survécu à certaines vélléités progressistes des militaires de 1968, mais qui a joui du relatif privilège d'échapper, dans la période récente, à la dictature militaire fascisante qui écrase encore des pays voisins.
Deux types d'articles nous ont été donnés par les auteurs sollicités. Certains (ils sont les plus nombreux) traitent d'un domaine particulier du système juridique d'un pays déterminé et en proposent une analyse théotique ou des éléments d'interprétation ; ou bien, ils illustrent un point de vue général sur l'Etat ou le droit par l'exemple d'un Etat ou d'un droit d'Amérique Latine. Deux autres études sont de prime abord moins marquées par leur origine géographique et ont, si l'on peut dire, une vocation plus manifestement universelle ; c'est dire qu'ils sont de nature à intéresser plus immédiatement des lecteurs dont les préoccupations accordent moins de place aux expériences politico-juridiques nationales et à leurs spécificités. Nous les avons, en raison de cette généralité, placées en tête de numéro.
Source : Extrait de l'Avant-propos du n°10, p. [5]-11 par Antoine Jeammaud