Procès : cahiers d'analyse politique et juridique. 18
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Le droit colonial nous embarrasse. Relève-t-il de l'Etat de police dans lequel on a cru voir une tradition française opposée à l'Etat de justice anglo-saxon, ou bien est-il au contraire une sorte de maladie infantile de l'Etat de droit dont on nous promet de toute part la réalisation ?
La réalité ne se réduit pas à un dilemme rigide entre deux réponses qui s'excluent. Ce seul fait en témoigne : alors même que d'importantes réformes relatives à la justice et à la police étaient en cours, le 12 janvier 1985 un dirigeant indépendantiste calédonien Eloi Machoro trouvait la mort dans des conditions pour le moins peu conformes à l'acception commune de la notion d'Etat de droit.
Ce dossier sur le droit colonial ne prétend pas à l'exhaustivité mais se propose seulement de fournir quelques pistes sur une réalité complexe et immense.
[...]
Les textes qui suivent abordent le droit colonial sous des angles particuliers et permettent d'approfondir ces réflexions préliminaires.
Jean Robert Henry met en lumière la relation entre l'ensemble des représentations coloniales, l'imaginaire y compris dans sa dimension romanesque et la construction de l'altérité juridique du colonisé. Le droit colonial algérien dans sa terminologie même est un bon révélateur des étapes d'édification de cette altérité.
Pour Christian Bruschi, les débats récents sur nationalité et citoyenneté peuvent être compris par référence à l'histoire coloniale française. Au départ se trouvent les esclaves et éventuellement les affranchis considérés comme régnicoles et non comme étrangers mais frappés de diverses incapacités. La Révolution non sans ambiguïtés se réfère à l'égalité des citoyens. Le code civil napoléonien et le rétablissement de l'esclavage jusgu'en 1848 marquent un tournant mais les hésitations du droit colonial se poursuivent en particulier à propos de l'Algérie. Avec la constitution d'un vaste Empire intervient une clarification dans la loi de 1889 et le décret de 1897 qui établit un droit de nationalité différent pour les colonies ; la condition subordonnée de leurs habitants s'inscrit dans la notion de sujets français. Après la deuxième guerre, des principes nouveaux s'affirment mais le passé pèse encore sur l'accès des anciens colonisés à la nationalité de la métropole.
Jean-Louis Autin analyse la législation foncière appliquée à l'Algérie entre 1830 et 1870. Le droit permet l'expropriation des indigènes et la mise en place progressive d'une colonisation. Différents procédés sont utilisés, déformation de techniques juridiques françaises, interprétation tendancieuse des institutions du droit local mais aussi mise en oeuvre d'une théorie de la domanialité permettant le transfert aux colons des biens confisqués. S'ajoute à cela une assimilation du régime de propriété foncière musulmane aux règles du code civil. La colonisation massive qui suit ne rencontre donc pas d'ostacles.
Bardine Chikhaoui montre à travers la jurisprudence électorale et fiscale relative à l'Algérie comment le Conseil d'Etat a contribué à conforter le système colonial, contrairement à la conception habituelle qui voit dans cette juridiction le garant des libertés individuelles face à l'administration.
Robert Charvin traite du droit international conçu à l'usage exclusif des peuples européens considérés par la doctrine comme les seuls civilisés, C'est le droit
public interne qui régit les colonies juqu'à la dernière phase des Empires même si le droit international régule la concurrence entre puissances coloniales.
Source : Extraits de l'introduction au n°18, Le droit colonial en question, p. [5]-11, par Claude Journès