"Notes critiques" : Procès : Cahiers d'analyse politique et juridique. 1978. N° 1. Revue semestrielle
Description
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Le Centre d'Epistemologie juridique et politique de l'Université de Lyon-II a pris l'initiative d'une nouvelle revue dont le projet, motivé expressément par la nécessité de « ne pas davantage différer la critique des institutions et disciplines dans lesquelles juristes et politologues exercent enseignement et recherche », est de « réaliser une science de l'État, mieux encore, une science du politique qui rende enfin possible une science du droit ».
Même si le titre du premier Cahier semble indiquer un cheminement inverse : Du Juridique au Politique, rien n'empêche d'accepter la gageur.
Le signe distinctif de Procès est d'emblée indiqué : «Cette science qui ne serait ni politique ni juridique, mais science de leurs rapports historiques, est présente dans l'œuvre de Marx-Engels, et partiellement formalisée dans la théorie marxiste ». Telle est donc la source ; et la source est aussi le modèle.
Les trois articles qui composent ce premier numéro ont en effet une inspiration commune : la mise en cause du droit bourgeois, accablé de tous les péchés. On se demande même si, à la limite, le droit positif français est encore du droit !
Le premier article entend apporter, en s'appuyant sur des textes de Marx, « les éléments pour une analyse du monde juridique en tant qu'il est une idéologie ». En fait, il se présente, de façon assez banale, nonobstant sa longueur, comme la réfutation des thèses de Kant et surtout de Hegel, évidents « porte-parole de la classe bourgeoise ».
Le second article examine les rapports du droit constitutionnel et de l'idéologie du sujet. Tout le problème s'exprime en termes paradisiaques : l'auteur prétend éclairer le statut de la production de l'idéologie juridique dans la sphère constitutionnelle par le passage de « l'Eden de la circulation à l'Eden de la vocation » ; et, ajoute-t-il, « un Eden (est) à perdre » pour que puisse s'élaborer une théorie matérialiste du droit, car il faut non seulement rompre avec l'illusion bourgeoise, mais dépasser la critique marxiste qui « ne parvient pas à se dégager des charmes de l'Eden bourgeois ».
Le troisième article traite du droit administratif dans les appareils d'État. Il s'attaque aux programmes et aux manuels, déclarés « vétustés » et accusés de « développer avec l'enseignement un rapport qui empêche celui-ci d'avoir un caractère scientifique » et de « figer toute réflexion sur l'objet de la science » ; les enseignants juristes sont accusés d'être « de parfaits bureaucrates » et, dit l'auteur, leur « déférence épistémologique pour
le pouvoir se paie chère (sic) ». Passons... Quoi qu'il en soit, et puisque « la science administrative a échoué » pour n'avoir point su « se dégager de l'emprise de l'idéologie juridique », il faut, dit l'auteur, emprunter une autre voie. Elle est toute tracée : c'est celle du matérialisme historique et dialectique. Ainsi est lancée contre l'A E J - il faut comprendre : contre l'appareil d'État juridique - , au motif qu'il est idéologique et hégémonique, une charge sans merci. Heureusement, l'auteur précise qu'il ne s'agit pas là de philosophie du droit ! Son ambition, il est vrai, est plus profonde : transformer juridiquement la société...
Date de publication
Citation bibliographique
GOYARD-FABRE, S. "Notes critiques" Procès : Cahiers d'analyse politique et juridique. 1978. N° 1. Revue semestrielle. Revue de Métaphysique et de Morale, 84e Année, No. 2 (Avril-Juin 1979), pp. 274-275